Le
11
mai
2020
• Par
Bastoun Talec
Une contrée truffée d’innovations managériales. Détachez vos ceintures. Je serai votre guide lors de ce rapide tour d’horizon.
Il était une fois…
Une technologie sociale naît aux Etats-Unis il y a une dizaine d’années. Elle aide à clarifier le « qui fait quoi ? » et permet à chaque individu d’exprimer son plein potentiel. Surtout, elle confère adaptabilité et puissance à l’organisation. Elle s’appelle Holacracy.
Qu’observons-nous, avec une insistance des faits qui semble s’affirmer depuis 2008 ? Nous observons que les organisations contemporaines progressent ou tentent de progresser vers toujours plus d’agilité. Des entreprises pionnières, de plus en plus nombreuses s’auto-organisent. Grâce à Holacracy, quelques organisations parmi les plus évoluées sont même capables de s’auto-changer et d’épouser le changement.
Holacracy installe, au-delà d’une nouvelle organisation du travail, des principes actifs permettant à l’entreprise de se modifier par elle-même.
Mais qu’est-ce que Holacracy ? En bref, c’est une gouvernance à travers les personnes sensibles à leur environnement et qui poursuivent la raison d’être de leur organisation.
Un de ses pères fondateurs, Brian Robertson, investit son énergie depuis plus de vingt ans sur une question cruciale selon lui : écarter tout ce qui entrave le travail. Il est convaincu que cela passe par décentraliser les décisions et les initiatives de chacun. D’abord développeur, il devient manager puis crée sa propre société, Ternary Software, en 2001, afin de réviser le management en adoptant et testant de multiples approches collectives et personnelles : du protocole GTD jusqu’à sociocratie en passant par les méthodes agiles. Après 6 ans de recherche et de développement, il publie le premier article mentionnant Holacracy dans le Washington Post, en mars 2007. En 2010 paraît la première constitution Holacracy.
Aujourd’hui, environ quatre mille organisations dans le monde auraient adopté Holacracy. Sachant que la France, à elle-seule, compte 3 millions d’entreprises, le phénomène reste pionnier mais l’avenir est prometteur. En effet, les organisations en cercles montrent des signes plus qu’encourageants et ouvrent de nouvelles voies.
Poursuivons la visite. L’Holacratie, comme toute construction, a des fondations, des piliers. Quels sont ces 3 principes structurants ?
1/ Des règles communes explicites. Geste inaugural lorsqu’une organisation adopte Holacracy : le boss ou la patronne ou le manager d’une Business Unit confère son pouvoir à la constitution. Ce geste symbolique institue de nouvelles règles du jeu auxquelles chacun.e peut se référer à tout moment. Il illustre à lui seul l’immense inclination de Holacracy pour la clarté. En effet, une fois que les lignes blanches sont tracées, on peut « jouer » sereinement et en sécurité.
2/ L’organisation alignée sur la raison d’être. Le sens est la clé de voûte. Le projet d’entreprise se rappelle au souvenir de tous, bien plus fréquemment que dans les organisations conventionnelles. (La raison d’être est omniprésente quand on ouvre la plateforme numérique de l’entreprise). Une salariée en Holacratie me confiait cet automne : « je ne suis plus alignée sur ma N+1, je suis alignée sur les raisons d’être de mes rôles, de mon cercle et du projet global. » Nous passons d’une hiérarchie de personnes à une hiérarchie de sens. Ce dernier est doublement déterminant
- Il nous permet de prendre des décisions. Si, lors d’une réunion, une proposition crée du tort à la raison d’être, vous tenez une bonne raison d’objecter.
- Le sens devient mobilisateur, parce qu’il s’incarne de façon fractale. Il cascade du cercle d’ancrage jusque dans chaque rôle de l’organisation. Il donne un cap… et des raisons de se lever le matin !
3/ L’autorité distribuée. Le rôle catalyse l’énergie c'est-à-dire le pouvoir. Le pouvoir avec un COD. En Holacratie, le Pouvoir perd sa majuscule et se conjugue au présent chaque jour. Je peux faire ceci, vous pouvez faire cela. A la fonction statique, Holacracy substitue les rôles dynamiques. Vous voulez vous exprimer et mieux, agir ? Vous avez carte blanche à condition de ne pas briser les règles et de ne pas nuire au projet d’entreprise. Les personnes évoluant en Holacratie énergisent en moyenne 4 rôles d’après ce que nous observons chez HappyWork. A titre d’exemple, un collaborateur Zappos a 7,2 rôles (début 2017) tandis qu’un salarié de l’entité GEM au sein de Engie en a 2 (mi-2018). Nous ne sommes pas liés à une seule fonction, nous pouvons faire de nombreuses choses, donner de notre énergie et de nos compétences à plusieurs rôles. Les rôles étant définis collectivement et non de façon autocratique, ils sont endossés avec professionnalisme et responsabilité selon un sain dosage d’engagement et de distanciation
Holacracy procède d’une sorte de respiration.
En entreprise, chacun.e n’a de cesse que de constater des écarts entre ce qui est et ce qui pourrait être mieux. Ces écarts deviennent en quelques sorte l’oxygène en Holacratie. Nous les appelons des tensions. Non plus au sens où nous sommes tendus (par la situation) mais dans la mesure où nous tendons vers (une amélioration).
Indispensables, les tensions font vivre l’organisation, et chaque cercle en son sein.
Cet oxygène, ces tensions alimentent le poumon Holacracy : les réunions. Les membres de l’organisation y apportent et y traitent leurs tensions. Véritables stations d’épuration des écarts vécus, elles réduisent ceux-ci. En réunion des opérations, chacun.e agit dans son rôle, lors des réunions de gouvernance on définit les rôles. Les tensions s’apparentent à l’inspiration, tandis que les réunions permettent l’expiration. D’où un sentiment de soulagement observé parmi les participants. Lequel souligne, par contraste, à quel point les réunions classiques sont ratées ; Désormais, la réunionite n’est plus une maladie incurable.
Qui sont ces early adopters ? Engie, Biocoop Scarabée, Décathlon, Enedis, Nuova Vista, Orange, la Fondation CGénial, la Fédération Française des Diabétiques… et d’autres s’essaient à Holacracy. L’entité « Global Energy Market » chez Engie est partie en Holacracy avec 8 (ex) managers et 75 collaborateurs en janvier 2016. Après 6 mois, le temps de réponse aux clients internes était divisé par deux et un audit RH mettait en évidence un engagement sensiblement amélioré. Aujourd’hui, Engie, que HappyWork est fière d’avoir accompagnée, rassemble la plus grande communauté de pratique en Europe avec près de 500 praticiens en Holacracy.
En somme, l’Holacratie vous rend clairs, adaptables, efficaces et autonomes. Vous aurez des rôles précis, des redevabilités et des règles explicites. Vous aurez aussi la capacité de prendre des décisions déconcentrées. Finies enfin, les réunions stagnantes marquées de discussions interminables.
Vous voulez en savoir plus ? « La véritable connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est qu’information », nous disait Albert Einstein. En effet, la meilleure façon de découvrir l’eau est de plonger dans la piscine et non pas de décrire la molécule H2O.