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A comme Autorité. Abécédaire du travail secoué

A comme Autorité. Abécédaire du travail secoué

Le 

19

 

novembre

 

2021

 • Par 

Bastoun Talec

La nature nous enseigne que l’autorité est une affaire qui tourne. Ainsi dans une harde de chevaux sauvages, l’étalon détecte le danger, la surveillance restant un rôle tournant, une jument sait repérer un point d’eau, une autre, un havre d’ombre etc. De nombreux oiseaux migrateurs alternent l’ouverture au vent, intenable par un seul volatile sur de longues distances. Les manchots empereur, eux, pratiquent la thermorégulation sociale. Ils se serrent les uns contre les autres afin de se tenir chaud et forment une "tortue" de plusieurs centaines d’individus qui changent constamment de place pour éviter que les mêmes restent exposés à des températures pouvant atteindre -40°C.  

Cette autorité circonstanciée gagnerait à percoler nos organisations. Leadership tournant. Au gré de ce qui advient.

Or nous lestons l’autorité de ses deux principaux poids étymologiques :  l’écrit et l’ancienneté. En matière juridique, la deuxième prend le relais du premier : en l’absence de Loi écrite, la jurisprudence voire la coutume fait autorité.

Dans l’entreprise, aucun document écrit ne régit la façon d’informer, de délibérer, de décider, de nommer ou d’élire ni même d’exécuter et de rendre compte.

Autant de séquences politiques – quoique fondamentales- abonnées absentes du fonctionnement de l’entreprise. L’autorité y est donc dévolue en creux. Aux dirigeants, par défaut. Lien de subordination oblige. Lien contractuel, juridique, étroit. Minable. Aucun régime politique ne vient élargir le champ de participation des membres de l’organisation. Le grand écart. Entre souhait d’implication, d’engagement et absence de règles explicites pour ce faire. La politique n’étant pas « l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde » (Paul Valéry) mais de régir les affaires communes selon un référentiel explicite.

La réponse à la question « qui a l’autorité ? » appelle soit une réponse univoque soit équivoque ; Tour à tour, celui ou celle qui la poserait – car la question ne se pose qu’à peine en entreprise – s’entendrait répondre : soit « mon chef » ou « la patronne » soit « je ne sais pas » ou « demande à Untel ». Les organisations, démunie d’un système d’autorité explicite et ajustable, s’inhibent.  Elles s’appuient plus ou moins consciemment sur un système autoritaire et/ou opaque.

Et si l’on passait de l’autorité sur à l’autorité de ?

En effet, l’heure n’est-elle pas venue d’accepter l’autorité comme le fait d’être auteur de ses actes ?

Les équipes performent avant tout parce qu’elle se savent autorisées donc s’autorisent à agir.

En France, pour qui souhaite pousser - voire faire tomber - les murs de sa « boîte », il importe au préalable de considérer deux éléphants dans la pièce : le catholicisme et la monarchie. Ces deux systèmes d’autorité jouent ce que les systémiciens appellent des rôles fantôme. Le premier nous renvoie à la hiérarchie, l’ordonnancement céleste des anges et des archanges. L’Eglise catholique, autorisée par cette transcendance, a hiérarchisé son monde. Bien au-delà de celles et ceux « rentrés dans les ordres ». Le deuxième système d’autorité qui voile encore aujourd’hui nos organisations tient d’une monarchie, qui quoique que décapitée, s’est restaurée puis insinuée jusque dans nos postures mentales actuelles.  

A cela s’ajoutent deux principes actifs. Ils corroborent notre double obédience littéralement hiérarchique et monarchique. Ils déterminent la façon dont nos collectifs de travail s’organisent. Le premier, infra démocratique, tient de la représentativité : parce que nous désignons des élus dont nous attendons qu’ils nous représentent,

nous restons sujets. Sujets à une forme de pilatisme. Une inclination, voire une paresse, à « déléguer vers le haut ».

Le deuxième principe agissant au sein de – régissant nos ? – organisations relève de l’ingénierie. Du syndrome de l’ingénieur. Spectre de multiples faisceaux : du cartésianisme au taylorisme en passant par les Encyclopédistes et les sectateurs de l’Instruction, notamment militaire. Les Grandes Ecoles ont creusé cette ligne de partage entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent. Entre les stratèges d’une part et les (bons) soldats d’autre part. « Je pense donc vous faites ».

Entendons-nous bien, je ne fustige ni notre système démocratique, « le pire à l’exception de tous les autres » (Churchill) ni les études fussent-elles « supérieures ». En revanche, j’observe les parts d’ombre des personnes morales lesquelles gagneront à augmenter leur niveau de conscience. Car « tout ce qui ne remonte pas en conscience revient sous forme de destin » (Carl Gustav Jung). Or j’estime notre niveau de conscience suffisamment élevé pour que ce ne soit pas le destin seul qui nous gouverne. Pour débouter la loi des 5C « c’est crétin mais c’est comme ça ». Pour soulever la chappe de la tradition. Entreprises, interrogez les schémas mentaux qui sous-tendent vos orientations. Questionnez les processus de vos décisions. Pour que « faire autorité » ne relève plus d’une seule chose et/ou d’une unique personne.

Pour que chacun s’autorise.  

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