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Patron mais pas trop

Patron mais pas trop

Le 

28

 

juillet

 

2019

 • Par 

Bastoun Talec

Réinventer nos organisations cela signifie modifier la nature du pouvoir en chacun de nous. Le dirigeant donne des directions plus que des directives. Il ou elle incarne l’esprit de l’entreprise et la transcende en adoptant une posture « meta ». Une telle attitude ouvre sur l’obsession fondamentale qui scelle les parcours des dirigeants d’exception : comment rendre l’entreprise meilleure ? 

Les leaders préfigurant les entreprises du XXIe siècle vont plus loin : s’ils visent encore l’exemplarité, ils la dépassent, prennent le pouvoir sur eux-mêmes puis le distribuent. Mieux, sous leur impulsion, le pouvoir change de nature.

L’EXEMPLARITE, ni pour briller ni pour éblouir mais pour allumer des lumières à l’entour.

Lors de ses recrutements, Brian Chesky, co-fondateur d’AirbnB regarde le candidat dans les yeux et demande : « imagine qu’une seule année te reste à vivre. Viens-tu néanmoins travailler chez AirbnB ? » La moindre hésitation dans l’attitude du postulant s’avère rédhibitoire. Depuis Alexandre le Grand jusqu’à Napoléon en passant par Jules César, les leaders exigent de leurs proches un engagement sans faille et peuvent le faire car de tous les combats, ils le sont « au premier chef » : arpentant le campement tard la nuit ils sondent le moral des troupes, parlent aux munitionnaires, écoutent, houspillent ou encouragent. Le lendemain, ils chargent d’abord puis viennent après la bataille se pencher sur les blessés… Suffit. Que lègue le chef de guerre au leader contemporain ? Son énergie ? Oui, débarrassée des visées belliqueuses. Mais une énergie galvanisante parce que frappée au coin de l’exemplarité. Laquelle n’est « pas un moyen de gouverner mais le seul » affirment les créateurs de l’école des patrons (1). 

En marchant avec ses collaborateurs au débotté, le dirigeant écoute, glane des suggestions, aide sur le champ et/ou distille les valeurs de l’entreprise. Bill Hewlett et Dave Packard ont popularisé le Management by wandering around, véritable démarche pratiquée par Abraham Lincoln(2) et étrennée par les péripatéticiens, contemporains d’Aristote. 

Autre dimension, plus structurante, de l’exemplarité : la discipline. Pour preuve, cette confession de Michel-Ange : « si les gens savaient combien je travaille dur pour acquérir ma maîtrise, cela ne leur semblerait pas, après tout, tellement merveilleux ». 

Exemplarité rime avec équité : souvent les entrepreneurs sociaux incarnent et partagent ces valeurs manifestes mais pas seulement. Ainsi Jack Dorsey a cédé le tiers de ses actions de Twitter à ses salariés, le prince Al Walid Bin Talal 100% de sa fortune soit 32 milliards de dollars à des œuvres caritatives. Dans un registre néo fordiste, Dan Price PDG de Gravity Payments a fait couler de l’encre en fixant le revenu minimum de ses 120 collaborateurs à 70 000 dollars après avoir divisé son salaire par 14.

PRENDRE LE POUVOIR sur soi…

« Quand les décideurs s’inspirent des moines »(3) le livre de Sébastien Henry, serial entrepreneur en Asie aura transformé quelques vies managériales. Notre terrain de jeu professionnel semble borné par les contingences de notre enveloppe corporelle d’une part et la durée de notre carrière de l’autre. Or on peut repousser les limites de son corps en l’écoutant et explorer l’idée que nous nous engageons dans quelque chose de plus grand que notre existence. Voilà ledit terrain agrandi ! Et, oh surprise, cet arpent délimite celui de l’humilité. Laquelle inhibe l’arrogance et invite à la plus grande maîtrise de soi. Vanité, hydre bicéphale auquel le leader n’a de cesse de trancher la tête. « Le plus puissant est celui qui a la puissance sur soi » rappelle Sénèque. 

En visant l’exemplarité, mère de toute admiration reçue, le dirigeant rayonne plus qu’il n’use d’autorité. Mais en dépassant l’exemplarité, en donnant à voir ses limites ou sa vulnérabilité (pensez au discours d’Emmanuel Faber (4) devant un parterre de diplômés HEC en 2016) le dirigeant devient plus qu’exemplaire. Il gagne en authenticité. Il rend l’exemplarité atteignable par d’autres, voire accessible à tous.

DISTRIBUER le leadership

Cette juste puissance nous met en contact avec la nature énergétique du pouvoir. Patrick Viveret souligne la différence entre le Pouvoir avec un « P » majuscule et le pouvoir avec un complément d’objet direct. Je peux faire ceci, vous pouvez faire cela. L’entreprise XXIe siècle clarifie cette distribution et l’actualise sans cesse : « je peux agir, les autres peuvent attendre cela de moi ». Si ce pouvoir d’agir devient illimité, distribué, il n’y a plus de démesure à en user. Envisagé comme une ressource finie, le Pouvoir suscite convoitise et crispation, abus ou tentation d’abuser. Là encore privilégions l’être à l’avoir : préférons « être en puissance » versus « avoir du pouvoir ».  

Réinventer nos organisations ne signifie pas distribuer le Pouvoir mais changer profondément la nature de celui-ci, en chacun de nous.

Qu’apportons-nous au travail ? Notre temps, nos compétences, notre énergie et (une partie de) notre être. Nous y apportons notre puissance. Songez à la polysémie du mot « power ». Ce n’est pas un hasard si l’outil Holacracy est testé ou adopté par plusieurs énergéticiens en France (Engie, Enedis et d’autres, d’ailleurs accompagnés par HappyWork).

Dans nos sociétés comme pour la Société, chacun.e gagnera à mettre l'autre en puissance sans renoncer à la sienne. Les collaborateurs comme les citoyens refuseront l’impuissance tandis que dirigeants et gouvernants se départiront de la toute-puissance. Les uns et les autres convergeront en juste puissance. Cela procède d’une nécessité historique.

Photo formation Holacracy HappyWork
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